Relevés d informations extraites d un centaine de rapports préfectoraux interceptés par la Résistance [1943-1944], classées par thèmes.
1944 Près de 400 feuillets libres (la plupart :14,5 x 27 cm), manuscrits au verso de papiers de fortune, parfaite lisibilité ; listes inventaires et mémos divers. Nous joignons la copie numérisée (sous clef USB) de 40 rapports préfectoraux pour 30 départements (961 pp., 1,6 GO, liste sur demande).
René Maublanc (1891 - 1960) fut l un des animateurs de la résistance universitaire. Normalien, agrégé de philosophie, acquis au socialisme sous l enseignement ou l influence de Durkheim, Lucien Herr ou Lévy-Bruhl, admirateur de la Révolution d octobre, il s est voué à la diffusion de la pensée marxiste (il n adhérera au Parti communiste qu en 1943). Il anime le Cercle de la Russie neuve puis s engage avec Paul Langevin,Georges CogniotetJean Baby dans le combat antifasciste au sein de l Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR)puis du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA) dont il sera membre du bureau exécutif huit mois. Dès octobre 1940, il participe aux premières réunions clandestines universitaires avec, notamment, Jean-Richard Bloch, Joliot-Curie et Henri Wallon. Il est associé à la fondation en novembre 1940 de l Université libre puis de La Pensée libre en mars 1941. Déchu de son poste à Henri IV en septembre 1942, refusant sa mutation, il quitte Paris se réfugie chez un ancien élève à Chevreuse. Désormais sous le nom de Jean Lenoir, il s investit de plus en plus dans L Université libre dont il deviendra rédacteur en chef en octobre 1943. Membre du Comité national du Front national universitaire ou il représente l enseignement secondaire, il Suvre aussi à la reconstruction clandestine du syndicalisme enseignant. À la libération, il sera brièvement chef de cabinet d Henri Wallon à l Éducation avant de reprendre son poste à Henri IV et son activité militante.Ce doit être au printemps de 1944 que lui sont confiés une centaine de rapports préfectoraux soustraits à l administration par la Résistance. Ce qu il faut savoir du pays, son pouls, les préfets en dressent ici le tableau pour Vichy dont c est l une des principales sources d informations. Bimensuels pour la plupart, ils couvrent la période de juillet 1943 à février 1944, pour 46 départements de l ancienne Zone occupée. Formellement, ces rapports sont établis suivant les sections ministérielles. D abord l intérieur: opinion, police, groupements politiques, administrations municipales et départementales, puis les autres ministères : informations et propagande, agriculture et ravitaillement, finances, production, jeunesse et éducation, sport, famille, santé, transports ... pour finir sur les relations avec les autorités d occupation.Leur consistance est inégale. Outre la géographie, la qualité, le zèle ou le sens politique des préfets sont déterminant. En règle générale, la liberté de langage impressionne. La plupart ont à cSur de donner du sens, ce qu attend Vichy, d aller aux détails et d appuyer le propos d exemples, sinon d éphémérides. Maublanc apprécie parfois en marge : «hésitant ... honnête ... lécheur ... ».Le volume d informations est considérable et son dépouillement un travail de bénédictin. Un travail selon toute vraisemblance pour le Front national et dont nous ignorons le cheminement (en mars 1943, une synthèse basée sur 6 rapports préfectoraux avaient été adressée au CFLN). Ici nulle synthèse, une gigantesque base de données, une table alphabétique de la France occupée: 87 entrées - Abattage clandestin ... Arrestations ... Blé ... Bombardements ... Cheptel ... Déportations ... Exécutions (tribunaux allemands) ... Foins et paille ... Gouvernement ... Groupements politiques ... Impositions ... Incidents avec les Allemands ... Industrie ... Marché noir ... Oléagineux ... Parti communiste ... Paysans ... Police ... Pneus ... Propagande ... Radio (dissidente) ... Réquisitions ... Santé ... Salaires ... Terrorisme ... Transport ... Viande ... Une documentation sans équivalent pour la situation présente, l action et les règlements à venir : en tout près de 400 feuillets manuscrits sur papier de fortune (au verso d imprimés électoraux d avant-guerre) répertoriant les précieuses informations, cités exactement : les faits, les noms, les dates, les chiffres. L acuité des sujets détermine le nombre d extraits : plus d une soixantaine en 25 feuillet pour l Opinion, tant les préfets s investissent en la matière. Elle réagit aux développements extérieurs, entre lassitude, espoir et inquiétudes: l avancée russe, le piétinement allié en Italie, les événements d Alger, etc. La politique de Vichy suscite, selon les détours du préfet, inquiétude, franche hostilité ou fatalisme «légèrement sceptique». Elle s émeut surtout des actes de «terrorisme», invariablement associés au «banditisme» et de leur impunité. Après la vague de l automne 1943, suivant l afflux au maquis des réfractaires du STO, les préfets insistent à l envie sur un retournement de l opinion: les attentats, «d une flagrante inutilité» et autres cambriolages «patriotiques», sont «unanimement» réprouvés, «le terrorisme se dévore lui-même», en raison de ses excès, la population serait plus coopérative ... La section Terrorisme (avec un renvoi au Parti communiste) comporte près de 40 extraits, certains produisant la liste circonstanciée des faits; s y ajoutent les sections Arrestations par les Allemands, Police, Exécutions par les tribunaux allemand et Parti communiste. La collecte semble quasi exhaustive s agissant de l activité des Groupements politiques : plus d une centaine d extraits (23 feuillets, plus 30 pages d un format réduit et quelques index) répertoriant les activités des PPF, Milice, CAA, Francisme, Groupe collaboration, LVF ... Le RNP à son entrée spécifique (5 feuillets). Les préfets constatent très généralement l échec de ces mouvements dont l activisme incommode l opinion. Outre le Parti communiste, les organisations de résistance sont peu mentionnées : Front national & Gaullismerenvoient essentiellement aux distributions de tracts. Enfin René Maublanc recense à part les arrestations, condamnations et exécutions dans l enseignement, du collège à l université, élèves compris, le cas échéant en précisant les circonstances, soit plusieurs centaines de noms (63 demi-feuillets classés par département). Ce travail-ci déborde la seule source des rapports préfectoraux, les faits étant reportés jusqu à juillet 1944. Rappelons que Maublanc est rédacteur en chef de L Université libre qu il nourrit de longue date des informations recueillies auprès de ses collègues.Les données économiques et sociales sont aussi saisissantes, qui nous plongent dans les rouages de l asservissement du pays «soumis à un véritable Kolkose [sic]», comme il est dit sans ambages. Les préfets sont en première ligne pour le ravitaillement, l imposition et le travail obligatoire. La section Déportation en Allemagne est la plus fournie (25 feuillets). La pénurie de main d Suvre affecte gravement la production; coût de la vie, marché noir, réfugiés, inégalités fiscales ... l injustice redouble dans la détresse, le corps social est dangereusement fracturé: privilèges TODT, sursis étudiants, salariés contre producteurs, familles d ouvriers contre familles de prisonniers, citadins contre paysans ... Courtisés par le régime, ces derniers sont vivement stigmatisés pour leur égoïsme et leur cupidité: «Le devoir de s opposerest très opportuniste s agissant des impositions et du marché noir», est-il relevé. Les pressions et manSuvres allemandes sont abondamment consignées : pour toutes sortes d impositions et de réquisitions, notamment des femmes et des plus de 50 ans, malgré les garanties, brandissant la convention de La Haye (1899) devant les préfets démunis. Dans le Finistère, des colonnes mobiles opèrent directement des saisies chez les mauvais livreurs . Les préfets alertent aussi invariablement sur le dénuement des administrations, notamment des maires et des forces de polices.Outre les sections principales, les plus fournies, Maublanc multiplie très utilement les entrées spécifiques, non moins instructives, parfois à l appui d un ou de rares extraits consistants : pneus, bicyclettes, réquisitions de chevaux (impactant gravement les rendements agricoles) ... On ne trouve que 2 extraits à la section Juifs: s agissant de l enlèvement du mobilier des juifs résidants à Versailles «Cette fois encore, la brutalité de ce procédé a choqué la population qui s est d autant plus émue que des jeunes des Centres de Jeunesse ont été contraints de participer aux travaux de déménagement.» Enfin signalons cette unique entrée nominative: le maire de Courbevois pris dans une affaire de fraude aux tickets d alimentation.Nous joignons la copie numérisée (sous clef USB) de 40 rapports préfectoraux pour 30 départements (961 pp., 1,6 GO, liste sur demande).